Depuis plus de 24 ans, nous assistons les salariés dans les litiges relatifs au harcèlement moral ou au harcèlement sexuel au travail.
S’agissant d’un véritable fléau, touchant de nombreux salariés, nous avons développés une méthodologie et une expertise spécifiques afin de défendre les salariés victimes de harcèlement au travail.
Nous intervenons dans les cas de harcèlement moral individuel. Nous assistons aussi les groupes de salariés, victimes collectivement de harcèlement moral dans les cas de maltraitance managériale, management toxique, harcèlement moral institutionnel (cf jugement FRANCE TELECOM du Tribunal correctionnel de PARIS du 20 décembre 2019 reconnaissant la notion juridique de harcèlement moral institutionnel).
Dans sa motivation de 366 pages, le Tribunal correctionnel juge que le harcèlement moral institutionnel au travail entraine la : « fragmentation du collectif par l’instauration d’un climat délétère » alors que les salariés « se battent pour leur dignité notamment professionnelle » les « départs naturels n’étaient que pur affichage en raison de la conjonction des suppressions de postes programmées, des mobilités et des restructurations de services décidées ».
Le harcèlement moral est une conduite abusive qui par des gestes, paroles, comportements répétés, vise à dégrader les conditions de travail d’un salarié. Ces pratiques causent des troubles psychiques ou physiques mettant en danger la santé de la victime. La répétition des faits même sur une brève période, suffit à caractériser le harcèlement moral.
Le harcèlement moral peut prendre des formes très différentes. Les agissements consistent bien souvent en des actes positifs, c'est-à-dire impliquant une action (brimades, insultes, critiques, mise au placard, intimidations humiliations, sanctions injustifiées, etc.). Cependant, il n'existe aucune liste limitative d'actes constitutifs de harcèlement moral, de sorte que ceux-ci peuvent également prendre l'aspect d'actes négatifs, telle qu'une abstention ou une omission (pas de fourniture de travail, poste vide de sens, etc). Aucune liste de faits ne caractérise le harcèlement moral. Quelle est la définition du harcèlement moral ? Comment agir en cas de harcèlement moral ? Quelles sanctions en cas de harcèlement moral ?
En droit du travail, le harcèlement est défini à l’article L.1152-1 du code du travail qui dispose : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Un acte unique peut caractériser le harcèlement sexuel :
Cette définition s’attache donc aussi bien à sanctionner les actes répétés qu’un acte unique. La Cour de cassation a en effet jugé :
« Vu les articles L. 122-46 et L. 122-52 du code du travail, devenus respectivement les articles L. 1153-1 et L. 1154-1 du code du travail ; Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour manquement de l'association à son obligation de sécurité, l'arrêt retient que le seul fait établi à l'encontre du président de l'association est isolé, qu'il ne peut « constituer un harcèlement qui suppose la répétition d'agissements » ni un manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur ; Qu'en statuant ainsi, alors qu'un fait unique peut suffire à caractériser le harcèlement sexuel et qu'elle avait constaté que le président de l'association avait « conseillé » à la salariée qui se plaignait de coups de soleil de « dormir avec lui dans sa chambre », « ce qui lui permettrait de lui faire du bien », ce dont il résultait que la salariée établissait un fait qui permettait de présumer l'existence d'un harcèlement sexuel, la cour d'appel a violé les textes susvisés ». Cass soc 17 mai 2017, pourvoi n°15-19.300
Comme le prévoit le Code du travail et le rappelle la Cour de cassation, un fait unique suffit donc à caractériser le harcèlement sexuel.
L’article 1152-4 du Code du travail dispose en effet que « l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral ». Votre employeur a l'obligation de prendre toutes les mesures nécessaires en vue de prévenir le harcèlement moral et sexuel. Il doit porter à la connaissance de ses salariés les dispositions du code pénal réprimant le harcèlement moral et sexuel, et collaborer avec les représentants du personnel. La médecine du travail peut aussi participer à la prévention du harcèlement moral dans l'entreprise.
La Cour de cassation a jugé que le salarié peut demander non seulement des dommages-intérêts pour avoir subi des agissements de harcèlement moral mais aussi une indemnité spécifique distincte réparant le manquement de l'employeur à son obligation légale de prévenir les actes de harcèlement dans l'entreprise (Cass. Soc., 6 juin 2012, no 10-27.694 ; Cass. Soc., 12 avr. 2018, no 16-29.072).
« Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à Mme Y... des dommages-intérêts (…);Mais attendu que les obligations résultant des articles L. 1152-1 et L. 1152-4 du code du travail sont distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d'elles, lorsqu'elle entraîne des préjudices distincts, peut ouvrir droit à des réparations spécifiques; que c'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a alloué à la salariée des dommages-intérêts réparant le préjudice subi du fait de l'absence de mesures de prévention en matière de harcèlement moral, quand bien même la salariée avait été indemnisée par la juridiction pénale pour l'infraction de harcèlement moral retenue à l'encontre de son employeur ; que le moyen n'est pas fondé ». Cass. Soc., 12 avr. 2018, no 16-29.072
En application des dispositions de l’article L 1154-1 du Code du travail « lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4(…), le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ».
Pour apprécier si les faits présentés, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral, les documents médicaux produits par le salarié doivent aussi être pris en considération. En application des dispositions de l’article L 1154-1 du Code du travail, il appartient à l’employeur de prouver que l’ensemble des agissements étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
« Pour rejeter les demandes, l'arrêt, après avoir constaté que la société a cherché à imposer au salarié la signature d'un nouvel avenant comprenant une modification de la durée du travail qui passait de 35 à 20 heures, qu'elle a réduit de manière autoritaire son salaire horaire, et que le salarié a été victime d'une agression de son employeur, puis décidé que ces faits étaient de nature à laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral, retient que l'employeur justifie par des faits objectifs que si le salarié a contesté son nouvel emploi du temps, il en a été tenu compte, et que la réalité de l'agression est bien démontrée, ainsi que la dégradation des conditions de travail ayant eu des conséquences sur la santé du salarié, mais qu'il s'agit d'un fait unique qui ne peut pas constituer un harcèlement moral.En statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que l'ensemble des agissements de l'employeur étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ». Cass. Soc. 12 février 2020 n° 18-24.119
Si l’employeur n’apporte pas la preuve, qui lui incombe, que l'ensemble des agissements étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, le harcèlement moral est constitué et l’employeur condamné. Cette règle relative à la preuve s’applique aussi pour le harcèlement sexuel au travail.
L'obligation de prévention des risques professionnels est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement sexuel.
Pour la Cour de cassation, une salariée ne peut donc pas être déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et de protection de la santé au motif qu'elle n'établit pas de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement sexuel.
Une salariée (gestionnaire de carrières), s’estimant victime de harcèlement sexuel, prend acte de la rupture de son contrat de travail puis saisit la juridiction prud’homale aux fins de voir dire que sa prise d’acte produit les effets d’un licenciement nul. Elle espère ainsi faire condamner son employeur à lui payer des sommes à titre de dommages-intérêts pour harcèlement sexuel et manquement à l'obligation de sécurité.
En appel la salariée est déboutée de sa demande : sa prise d’acte est analysée comme une démission, elle est par conséquent déboutée de ses demandes en paiement d’indemnités de rupture, de dommages-intérêts pour licenciement nul et de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité. Pour la cour d’appel, s’agissant du harcèlement sexuel, l’analyse des pièces démontrait que les agissements imputés à son collègue reposaient sur les seules déclarations de la salariée, lesquelles n'étaient pas suffisantes pour établir des faits permettant de présumer l’existence du harcèlement sexuel considéré.
Dans le dossier de la salariée figuraient un courriel d’invitation à déjeuner du collègue invitant insistant, en dépit de ses refus, pour qu’ils aient un rendez-vous privé, des courriels de dénonciation des agissements de harcèlement sexuel adressés à l’employeur, aux délégués du personnel, à une déléguée syndicale, à l’inspecteur du travail et au procureur de la République, ainsi qu'un procès-verbal d’audition de plainte pour harcèlement sexuel.
La salariée, qui considérait que son employeur (débiteur d’une obligation de sécurité imposant de prendre les mesures de prévention nécessaires face à un risque professionnel identifié) aurait dû prendre des mesures de prévention et de protection nécessaires pour éviter la dégradation de son état de santé est, par ailleurs, déboutée en appel de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité.
La cour d’appel, ayant retenu l’absence de harcèlement, a en effet refusé de prendre en considération et d’examiner l’éventuel manquement de l’employeur à cette obligation de sécurité qui serait selon la salariée à l’origine du harcèlement invoqué.
Si sur le premier point (le harcèlement), la Cour de cassation ne remet pas en question l’appréciation souveraine des juges du fond, il en va différemment s’agissant de l’obligation de sécurité. Ainsi, pour la Cour de cassation, l'obligation de prévention des risques professionnels est une obligation distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral.
Dès lors, même si le juge ne retient pas l’existence d’un harcèlement sexuel dans la mesure où les faits de harcèlement ne sont pas établis, cela ne lui permet pas de s’abstenir d’examiner si un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité est à l'origine du harcèlement invoqué. L’absence d’établissement des faits de harcèlement ne signifie pas que l'employeur a satisfait à son obligation de sécurité et de prévention.
La cour d'appel ne pouvait par conséquent débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité au motif qu'elle n'établissait pas de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement sexuel. La cour d’appel de renvoi dans cette affaire (Cass. soc., 8 juill. 2020, no 18-23.410) devra donc établir si l'employeur a cherché à résoudre les difficultés de santé dont la salariée s'estimait victime dans le contexte.
Si aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement, c’est aussi sous le prisme des obligations de prévention de l’employeur en matière de santé et de sécurité au travail que le harcèlement est observé, car l’employeur est tenu d’adopter les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, mais le fait qu’harcèlement et obligation de sécurité soient liés n’exclut pas l’application de l’un sans celle de l’autre, d’où l'intérêt de la qualification juridique des faits et de son contrôle.
Les manquements à l’obligation de sécurité et les faits de harcèlement peuvent donner lieu à une indemnisation distincte, traduisant des préjudices distincts. La Cour de cassation avait déjà distingué clairement la prohibition des agissements de harcèlement moral (article L.1151-1 du code du travail) de l’obligation de prévention des risques professionnels (Cass. soc., 27 nov. 2019, no 18-10.551). Elle réserve désormais un sort identique aux agissements de harcèlement sexuel (article L.1153-1 du code du travail) en les autonomisant à leur tour également nettement de l’obligation de prévention des risques professionnels.