Guide pratique sur le droit à la preuve en matière prud’hommale

La Cour de cassation confirme sa position sur l’évolution du droit à la preuve et l’accueil conditionné de preuves illicites

Notre cabinet d'avocats assiste exclusivement des salariés en droit du travail. Pour optimiser les chances de succès, il est impératif que les salariés se constituent un dossier avec des preuves. La Cour de Cassation a modifié sa position dans un sens plus favorable aux salariés et très protecteur en admettant le recours aux preuves dites illicites.

N'hésitez pas à nous contacter pour constituer votre dossier et  réunir des preuves afin de contester un licenciement abusif,  dénoncer une situation de harcèlement et/ou solliciter le règlement de ses heures supplémentaires.

La notion de preuve illicite et l’influence du droit européen 

A l’origine, un principe de loyauté de la preuve avait été posé par la Cour de cassation (Cass. ass. Plén., 7 janv. 2011, n°09-14.316). De sorte qu’une preuve déloyale était qualifiée d’illicite et donc rejetée des débats (cass soc 4 février 1998 n°95-43.421). Prévalait alors une logique binaire selon laquelle les preuves présentées par une partie étaient soit licites et donc recevables soit illicites et donc irrecevables. A ce titre peuvent être distinguées trois motifs d’illicéité : 

  • l’obtention d’une preuve en violation de la loi
  • l’obtention d’une preuve de manière déloyale
  • l’obtention d’une preuve portant atteinte à des droits et libertés fondamentaux 

Il est important de savoir qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention (art. 9 Code procédure civile). Or le salarié dispose à ce titre de peu de moyens de défense, ce qui induit généralement le recours à des preuves illicites. 

Se fondant notamment sur l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) rappellera que le droit au procès équitable intègre l’obligation d’offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause y compris ses preuves dans des conditions qui ne le placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire. Ce droit à une possibilité raisonnable de présenter ses preuves constitue le droit à la preuve ainsi reconnu par la CEDH (CEDH , 10 oct. 2006, L.L. c/France, n°7508/02, §40) 

La consécration en droit français du droit à la preuve

Prenant acte de la jurisprudence de la CEDH, la Cour de cassation a reconnu que le droit à la preuve pouvait justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée à condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi (cass. 1ère civ, 25 février 2016 n°15-12.403) ; (cass. soc., 16 nov. 2017, n°15-17.163) 

Donc désormais un mode de preuve déloyale et illicite peut être versé aux débats en application du principe de proportionnalité. Ce contrôle est opéré par le juge qui doit mettre en balance le droit à la preuve et les droits et libertés fondamentaux des parties.

La confirmation récente par la Cour de cassation de sa position sur l’évolution du droit à la preuve et la recevabilité conditionnelle des preuves illicites

La Cour de cassation a récemment confirmé sa position sur cette évolution jurisprudentielle favorable à l’accueil de preuves illicites sous la limite des principes qu’elle a édictés. Ainsi dans trois décisions du 8 mars 2023 elle précise le régime applicable d’une part concernant la demande de communication des preuves illicites et d’autre part sur leur recevabilité quand elles sont fournies par un employeur au moyen de vidéosurveillance.

La demande de communication des preuves illicites par le salarié 

Dans un premier arrêt du 8 mars 2023 (cass. soc., 8 mars 2023 n°21-12.492) une salariée a été licenciée et considère avoir subi une inégalité salariale. La salariée souhaite obtenir la communication des bulletins de paye afin d’avoir des éléments de comparaison. La Cour de cassation réaffirme les principes édictés antérieurement et met en place une méthodologie sur la recevabilité de la preuve. Le juge saisi d’une demande de communication de pièces doit alors : 

  • rechercher si cette communication est nécessaire à l’exercice du droit à la preuve et   proportionnée au but poursuivi (art. 6 et 8 Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ; art. 9 Code civil ; art. 9 Code de procédure civile).
  • rechercher s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige (art. 145 Code de procédure civile)
  • rechercher si les éléments dont la communication est demandée sont de nature à porter atteinte à la vie personnelle d’autres salariés ; la Cour rappelle à ce titre que le droit à la protection des données personnelles n’est pas absolu et doit être à ce titre mis en balance avec d’autres droits fondamentaux conformément au principe de proportionnalité. 

En l’espèce la salariée était bien fondée à obtenir la communication des bulletins de salaires de ses collègues. Cette communication d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’autres salariés était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi. La preuve illicite demandée est alors recevable. 

La production de preuves illicites par l’employeur 

Dans un deuxième arrêt du 8 mars 2023 (cass. soc., 8 mars 2023 n°21-17.802) une salariée soupçonnée de vol a été licenciée pour faute grave, l’employeur entend se prévaloir d’enregistrements issus de la vidéosurveillance de la boutique. 

D’abord la Cour rappelle que l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraine pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant opérer un contrôle de proportionnalité (cf. art. 6 et 8 Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme) 

Ensuite, elle offre de nouveau une méthodologie du contrôle de la recevabilité d’une preuve illicite cette fois-ci apportée par un employeur au moyen de l’enregistrement issu d’un système de vidéosurveillance : 

  • D’abord le juge doit s’interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l’employeur et vérifier s’il existait des raisons concrètes qui justifiant le recours à la surveillance et l’ampleur de celle-ci. 
  • Ensuite, le juge doit rechercher si l’employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d’autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié. 
  • Enfin le juge doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi. 

En l’espèce, il a été jugé que l’employeur n’avait pas informé la salariée des finalités du dispositif de vidéosurveillance ou de la base juridique qui le justifiait. De plus un audit avait déjà confirmé les soupçons de vol. Cette pièce n’a pas été produite en justice alors qu’elle aurait constitué une preuve licite qui est à privilégier. En ce sens la Cour a jugé que la production des enregistrements n’était pas nécessaire à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur. Donc la preuve illicite est irrecevable.

Dans un troisième arrêt du 8 mars 2023 (cass. soc., 8 mars 2023 n°20-21.848) un salarié engagé en tant que conducteur de bus a constaté la disparition des tickets de bus, l’employeur a alors remis aux services de police les enregistrements du système de vidéosurveillance du bus. Cependant les services de police, dans un cadre informel, ont remis à l’employeur un procès-verbal en exploitant ces enregistrements établissant que le salarié avait téléphoné et fumé dans le bus. Suite à cela le salarié a été licencié pour faute grave.

La Cour de cassation juge que le PV est issu d’une procédure pénale à laquelle l’employeur était tiers cette pièce est considérée comme illicite en violation du secret de l’enquête. De plus, l’employeur s’était engagé dans une charte à ne pas faire usage dans le cadre disciplinaire contre les salariés des enregistrements issus du système de vidéosurveillance des bus. En outre au moment du dépôt de la plainte par le salarié aucune infraction relative à la sécurité des personnes n’était en cause et l’employeur ne pouvait pas soupçonner que le conducteur commettait lui-même une infraction. La preuve apportée par l’employeur est donc irrecevable.

En conclusion, la Cour de cassation, sous l’influence de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme reconnaît le droit à la preuve y compris quand d’autres droits fondamentaux sont en concours.

Cela bouscule le principe de loyauté, la production ou la demande de communication en justice de preuves illicites n’étant plus systématiquement exclue des débats. La Cour de cassation confirme sa position sur cette évolution pour accueillir les preuves illicites sous la limite des principes qu’elle a édictés.

C’est une évolution très protectrice du salarié qui dispose généralement de peu de moyens de défenses pour contester un licenciement ou prouver un harcèlement par exemple, son seul recours étant souvent la preuve illicite.

De fait faciliter la production de preuves, restant tout de même conditionné à des exigences tenant au caractère indispensable du l’exercice du droit à la preuve ainsi qu’au caractère strictement proportionnée au but poursuivi portant atteinte à des droits fondamentaux, permet une réelle protection du salarié.

De plus les exigences posées pour la recevabilité de la preuve illicite apportée par un employeur dans le cadre de l’utilisation de vidéosurveillance s’avèrent indirectement protectrices du salarié.

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