Le juge prudhommal a ainsi admis des preuves, auparavant considérées irrecevables :
La jurisprudence de la Cour de cassation a posé un principe général de loyauté de la preuve en droit privé (Cass. ass. Plén., 7 janv. 2011, no 09-14.316), repris par la Chambre sociale de la Cour de cassation.
Ainsi, la non-opposabilité des preuves recueillies par un système de contrôle de l'activité des salariés non déclaré auprès de la CNIL (en matière de badgeage, Cass. soc., 6 avr. 2004, no 01-45.227. « Un salarié ne peut être licencié pour avoir refusé de se soumettre à un système de contrôle non déclaré à la Cnil »).
La conséquence de ces moyens de preuve déloyaux au sens de l'article 9 du Code de procédure civile, était connue : l'illicéité d'un moyen de preuve doit entraîner son rejet des débats (Cass. soc., 4 févr. 1998, no 95-43.421).
Ce principe répond, aussi, à l'obligation d'exécuter, de bonne foi, le contrat de travail (C. trav., art. L. 1222-1).
Désormais, un mode de preuve déloyal et illicite peut être versé aux débats sans être déclaré irrecevable en application d'un contrôle de proportionnalité faisant prévaloir le droit à la preuve sur d'autres droits fondamentaux.
Il est possible d’admettre la recevabilité de preuves au moyen du test de proportionnalité, consistant à mettre en balance le droit à la preuve du salarié (ou de l'employeur) et les droits et libertés fondamentaux, par exemple le respect de la vie privée.
Les juges ont admis comme modes de preuves valables :
Dans ces décisions, les juges ont recherché si la preuve déloyale a porté atteinte au caractère équitable de la procédure, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle (ou un autre droit fondamental) et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie privée (ou un autre droit fondamental) à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
Le juge français avait retenu ce même contrôle de proportionnalité dans le contentieux relatif à l'article 145 du Code de procédure civile (mesures d'instruction in futurum).
La Cour de cassation a jugé que le respect de la vie personnelle du salarié ne constituait pas, en lui-même, un obstacle à l'application des dispositions de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile dès lors que le juge constatait que les mesures qu'il ordonnait procédaient d'un motif légitime et étaient nécessaires à la protection des droits de la partie qui les avait sollicitées (Cass. soc., 23 mai 2007, no 05-17.818; Cass. soc., 19 déc. 2012, no 10-20.526, JSL no 338, 26 févr. 2013 ; Cass. soc., 16 nov. 2017, no 15-17.163).
L'évolution de la jurisprudence française s’explique par le Droit européen et la position de la Cour européenne des droits de l'homme sur le fondement de l'article 6§ 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.
La Cour européenne des droits de l'homme invoque l'existence d'un « droit à la preuve » (CEDH, 10 oct. 2006, L.L. c/ FRANCE, no 7508/02, § 40).
Le droit de la preuve prud'homale s'était également vu appliquer ce même raisonnement concernant un salarié qui s'était procuré des informations à l'insu de son employeur.
La Cour de cassation avaient alors admis la recevabilité d'une telle preuve en relevant que ces éléments étaient strictement nécessaires à l'exercice des droits de sa défense dans le litige qui l'opposait à son employeur à l'occasion de son licenciement (Cass. soc., 31 mars 2015, no 13-24.410).
Les arrêts récents constituent une étape nouvelle en matière d'utilisation du contrôle de proportionnalité en droit de la preuve prud'homale.
S'agissant de l'exploitation d'une vidéosurveillance illicite, la Cour européenne des droits de l'Homme a fourni une grille utile de questions à se poser :
«L'employé a-t-il été informé de la possibilité que l'employeur prenne des mesures de vidéosurveillance ainsi que de la mise en place de telles mesures ?
Quels ont été l'ampleur de la surveillance opérée par l'employeur et le degré d'intrusion dans la vie privée de l'employé ?
À cet égard, il convient de prendre en compte notamment le caractère plus ou moins privé du lieu dans lequel intervient la surveillance, les limites spatiales et temporelles de celle-ci, ainsi que le nombre de personnes ayant accès à ses résultats.
L'employeur a-t-il justifié par des motifs légitimes le recours à la surveillance et l'ampleur de celle-ci ?
Sur ce point, plus la surveillance est intrusive, plus les justifications requises doivent être sérieuses.
Était-il possible de mettre en place un système de surveillance reposant sur des moyens et des mesures moins intrusifs ?
À cet égard, il convient d'apprécier en fonction des circonstances particulières de chaque espèce si le but légitime poursuivi par l'employeur pouvait être atteint en portant une atteinte moindre à la vie privée du salarié.
Quelles ont été les conséquences de la surveillance pour l'employé qui en a fait l'objet ?
Il convient notamment de vérifier de quelle manière l'employeur a utilisé les résultats de la mesure de surveillance et s'ils ont servi à atteindre le but déclaré de la mesure ».
Le Règlement Général sur la Protection des Données (dit RGPD, UE 2016/679) soulève des questions inédites et non encore tranchées par les juridictions en matière d'accès à des documents comportant des données personnelles, en particulier s'agissant des enquêtes réalisées par l'employeur sur les risques psychosociaux, ainsi que celles relatives au harcèlement moral et sexuel.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 10 novembre 2021, est venue donner une précision supplémentaire concernant les éléments de preuve collectés par un système de vidéosurveillance en appliquant le Règlement général sur la protection des données (RGPD).
Le commentateur de la revue JURISPRUDENCE SOCIALE LAMY du 20 décembre 2021, numéro 531-532 rappelle – conditions qui étaient déjà connues – l’obligation d’information préalable du salarié, la consultation préalable du CSE constituant une formalité substantielle et – ce qui est nouveau – l’obligation de respecter les prescriptions du RGPD :
« Les salariés concernés doivent être informés, préalablement à la mise en œuvre d’un traitement de données à caractère personnel, de l’identité du responsable du traitement des données ou de son représentant, de la (ou les) finalité(s) poursuivie (s) par le traitement des destinataires ou catégories de destinataires de données, de l’existence d’un droit d’accès aux données les concernant, d’un droit de rectification et d’un droit d’opposition pour motif légitime, ainsi que des modalités d’exercice de ces droits ».
Cass. Soc. 10 novembre 2021, n° 20-12.263
Désormais un salarié peut assurer sa défense devant le Conseil de prud’hommes en produisant :
En conséquence, si vous pressentez le risque d’une rupture avec votre employeur, il est nécessaire de préparer vos éléments de preuve pour que, dans l’hypothèse d’une brusque rupture (les employeurs n’hésitant pas à couper immédiatement les accès internet du salarié), vous puissiez utiliser les preuves devant le Conseil de prud’hommes.
La charge de la preuve repose sur l’employeur en cas de licenciement pour faute grave.
Dans les autres formes de licenciement, la charge de la preuve est répartie entre l’employeur et le salarié. Le juge apprécie la valeur probante des pièces produites. Il est donc indispensable que le salarié licencié apporte des éléments de preuve, afin d’emporter la conviction du juge.
Les preuves peuvent être constituées par des écrits (échanges d’emails, correspondances, attestations, etc …) ou par des retranscriptions de fichiers audio, le cas échéant.
Vous êtes salarié, vous avez été licencié pour inaptitude ou pour tout autre motif (faute grave, insuffisance professionnelle, motif économique) ?
Vous avez effectué des heures supplémentaires impayées ? La charge de la preuve ne repose plus sur le salarié. Il suffit que ce dernier présente des faits et éléments étant de nature à étayer ses heures supplémentaires.
Votre employeur surveille votre messagerie électronique ou votre activité par vidéosurveillance ? Souvent les juges considèrent que ces procédés de surveillance sont illicites.
N'hésitez pas à contacter notre cabinet d'avocats spécialisé en Droit du travail, dans la défense des salariés.
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