Discrimination liée à l’état de grossesse, licenciement nul

L’employeur condamné à payer plus de 72.000 € et à réintégrer la salariée enceinte

Le 8 mars est la journée internationale de sensibilisation et de mobilisation pour renforcer les droits de la femme. Au niveau de notre cabinet d'avocats, nous constatons que des inégalités subsistent en matière d'égalité professionnelle au titre de la rémunération ou du déroulement de carrière. En 2023 le combat judiciaire à mener reste entier. C'est dans ce cadre que nous avons choisis de publier une actualité sur le thème de la discrimination de la femme enceinte, notre cabinet d'avocats ayant récemment obtenu la condamnation d'un employeur sur ce sujet.

Notre cabinet d'avocats, spécialisé en Droit du travail dans la défense des salariés à obtenu la condamnation d'un employeur à la suite d'un licenciement discriminatoire et la réintégration de la salariée enceinte.

Exposé des faits et de la procédure

La salariée a été embauchée en octobre 2015 par contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de technicienne paie polyvalente.

À compter du 1 er Mai 2018, elle a été promue au poste de Chargée du Reporting Social.

Début mars 2019, la salariée annonce sa grossesse aux Ressources Humaines

La salariée est placée, successivement, en arrêt de travail puis en congés maternité.  

Dès le 12 juin 2019, soit six mois avant la date prévue pour la reprise, elle informe son employeur, par courriel, de la date de fin du congé maternité prévu le 13 novembre et pose des congés payés entrainant une reprise à la date du 9 décembre 2019.

À sa reprise, la salariée n'a pas retrouvé son poste

Elle découvre, à son retour de congé maternité, qu'elle n'a plus de bureau et qu'elle a été remplacée par Monsieur X, qui a repris l'intégralité de son portefeuille et qui bénéficie du statut cadre.  

La salariée se rapproche du service des Ressources humaines et demande à réintégrer son bureau ainsi que son poste. L’employeur reste taisant, à l’évidence, il ne souhaite pas réintégrer la salariée.

 La dégradation des conditions de travail fini par altérer durablement la santé de la salariée. Le médecin diagnostic un état dépressif réactionnel  et prescit un arrêt de travail pendant plus de 11 mois.

Pendant son arrêt, la salariée adresse plusieurs courriers à son employeur afin de dénoncer une discrimination liée à sa grossesse, ainsi qu'un harcèlement moral.

À l’issue de son arrêt de travail, elle se rapproche du médecin du travail.  

Lors de la visite de reprise, ce dernier établi un avis d’inaptitude : « Tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé – pas de reclassement envisageable d’un point de vue médical ».  

À réception de cet avis d’inaptitude, l’employeur met en place la procédure de licenciement. La salariée est convoquée à un entretien préalable au licenciement pour inaptitude.  

En novembre 2020, le licenciement pour inaptitude est notifié à la salariée par lettre recommandée. 

La salariée, estimant son licenciement abusif, a chargé notre cabinet d’avocats, spécialisé en Droit du travail, de la défense de ses intérêts suite à la rupture de son contrat de travail.

Nous avons saisi le Conseil de prud’hommes afin de solliciter :

  • À titre principal, la nullité du licenciement discriminatoire intervenue à son retour de congé maternité et sa réintégration de droit dans l’entreprise, avec le paiement d’une indemnité d’éviction égale au montant total de la rémunération et des accessoires de rémunération (intéressement, congés payés, etc.…) qu’elle aurait dû percevoir entre la prise d’effet de son licenciement et la date de sa réintégration effective.  
  • À titre subsidiaire, la salariée sollicite l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, l’inaptitude étant en lien avec les manquements de l’employeur à son obligation de sécurité.

Le Conseil de prud’hommes, par jugement, a fait droit aux demandes de la salariée et a condamné l’employeur sur le fondement du licenciement discriminatoire.

En effet, l’article L.1225-25 du code du travail prévoit expressément « qu’à l’issue du congé maternité́, la salariée retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente ».  

La même règle s’applique au retour du congé parental par application de l’article L.1225-55.  

Il convient de préciser que, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, la salariée doit retrouver en priorité́ son emploi précédent, ce n’est qu’en cas d’impossibilité́ que l’employeur peut lui proposer un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente.  

En conséquence, dès lors qu’il n’existe pas d’impossibilité́ de réintégrer la salariée dans son emploi précédent, le fait de ne pas la réintégrer à cet emploi constitue une discrimination prohibée.

À son retour de congé maternité, la réintégration de la salariée a son poste est de Droit.

Sur le licenciement discriminatoire  

Selon l'article L.1134-1, du Code du travail, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II sur les principes de non-discrimination, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1 er de la loi n° 2008­496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.  

Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.  

Avant son congé maternité, la salariée occupait un poste de Chargée du Reporting Social au coefficient 285.

L'employeur a été informé dès le 19 Juin 2019, soit 6 mois avant la date prévue, de la reprise de la salariée, par courriel.

Le jour du retour de sa reprise de poste, elle ne retrouve pas son bureau.  

L'employeur soutient qu'il n'a aucunement été question d'orienter un déménagement qui viserait spécifiquement la salariée mais bien de procéder à une réaffectation « collective » des bureaux pour occuper au mieux l'espace disponible.  

Le jour du retour de sa reprise, elle ne retrouve pas son poste, Monsieur X, qui a rejoint la société Y le 2 Septembre 2019, occupant le poste de Chargé de Reporting Social en contrat d'intérim.

L'employeur soutient qu'il ne s'agit que d'un remplacement de la salariée en congé maternité. L'employeur confirme que notre cliente, lors de sa reprise, a été temporairement placée en support du service paie, le temps de se réapproprier les dossiers de reporting en cours et le temps pour Monsieur X de finaliser ceux, urgents, qu'il avait dû gérer en son absence.

Monsieur X est passé en contrat à durée indéterminée, le 1er Janvier 2020.

Un organigramme, daté du mois de Janvier 2020, fait apparaître notre cliente sur un « poste de paie », celui de Monsieur X apparaissant en tant que « reporting social ». L'employeur soutient qu'il ne s'agit que d'un organigramme temporaire caractérisant l'organisation temporaire nécessaire à la finalisation des transferts entre Monsieur X et notre cliente.  

L'employeur confirme que pendant cette organisation temporaire, la salariée a été amenée à réaliser des tâches de paie, en support de l'équipe responsable de la paie.    

Dès lors, compte tenu des développements précédents, le Conseil de Prud'hommes a considéré que le licenciement de la salariée est discriminatoire.

Le Conseil de Prud'hommes a prononcé la nulité du licenciement discriminatoire 

Le Conseil de Prud'hommes : 

Condamne l'employeur à réintégrer la salariée à la date du 16 Juillet 2022,

Condamne l'employeur à payer à la salariée, l'indemnité d'éviction égale au montant de la rémunération qu'elle aurait dû percevoir entre son éviction au 16 Novembre 2020 et la date de réintégration au 16 Juillet 2022, s'élevant à la somme de 50.740 € (soit 20 mois) et les congés payés afférents représentant 5.074 €,

Condamne l'employeur à payer à la salariée la somme de 15.000 € de dommages-intérêts pour le préjudice moral relatif à la discrimination,

Condamne l'employeur à verser les intérêts au taux légal à la date du prononcé du jugement,

Ordonnel'exécution provisoire,

Condamne l'employeur à payer à la salariée, la somme de 1.500 € au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le Conseil de Prud’hommes a prononcé la nullité du licenciement discriminatoire et a condamné l’employeur à réintégrer la salariée.

En conséquence, l’employeur est condamné a verser 72.314 € de dommages et intérêts à la salariée.

La discrimination liée à l'état de grossesse reste plus que jamais d'actualité.

Le défenseur des Droits a publié un guide pour lutter contre la discrimination liée à l’état de grossesse pointant du doigts un phénomène « sidérant et illégal ».  

Le droit pour la salariée à retrouver son emploi à son retour de congé maternité est encadré tant par les dispositions nationales qu’européennes.

Si tel n’est pas le cas, la salariée pourra alors invoquer l’existence d’une situation discriminatoire.  

Ainsi, lorsque la mesure discriminatoire prend la forme d’un licenciement, l’annulation de celui-ci doit aboutir à la réintégration de la victime dans son emploi (Cass. soc., 26 mai 2004 : JurisData n° 2004-023821 ; Bull. civ. 2004, V, n° 139).  

Toutefois, si le licenciement est discriminatoire et que la salariée ne souhaite pas être réintégrée dans l’entreprise, elle peut solliciter, quelle que soit son ancienneté ou la taille de l’entreprise, des indemnités de rupture ainsi qu’une indemnité réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement ; au moins égale à six mois de salaires (Cass. soc., 21 sept. 2005 : JurisData n° ;2005-029795 ; Bull. civ. 2005, V, n°;262. – Cass. soc., 21 nov. 2007 : JurisData n° 2007-041491 ; Bull. civ. 2007, V, n°196).

Force est de constater que depuis la Charte des Nations Unies visant à promouvoir et encourager les "libertés fondamentales pour toutes sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion" établie le 24 octobre 1945, le défi reste entier en 2023.

Pour renforcer l’accès égal aux métiers et aux responsabilités professionnelles, des actions concrètes doivent être menées afin de :

Créer les conditions d’un égal accès aux métiers et aux responsabilités professionnelles entre hommes et femmes ;

Évaluer et traiter les écarts de rémunération et le bon déroulement de la carrière entre les hommes et les femmes ;

Mieux accompagner les situations de grossesse ;

Prévenir et traiter les discriminations, les actes de violences, propos sexistes, violences sexuelles,

Aider les victimes de harcèlement moral, harcèlement sexuel, agissements sexistes.

Renforcer la gouvernance des politiques d’égalité ;

Notre cabinet reste mobilisé sur ces questions.

Vous êtes salariée et vous n’avez pas retrouvé votre poste à l’issue de votre congés maternité ?

Vous avez été victime de harcélement ?

Nous vous invitons à lire nos actualités notamment celle sur la condanmation d'un employeur à la suite d'un harcèlement sexuel.

Vous souhaitez contester votre licenciement, n’hésitez pas à contacter notre cabinet d’avocats.

Vous avez été licencié pour inaptitude, motif économique, faute grave ou insuffisance professionnelle, n’hésitez pas à contacter notre cabinet d’avocats pour plus d’informations.

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