Notre cabinet d’avocats spécialisé en droit du travail est intervenu au soutien des intérêts d’un salarié qui avait été licencié pour inaptitude. La Cour a considéré que le licenciement était entaché de nullité. La Mutualité Française ne démontre pas que sa décision de licencier pour inaptitude est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Il s’en suit, que seul l’état de santé a justifié le licenciement du salarié, lequel se trouve en conséquence nul.
Le salarié travaille pour la Mutualité Française, depuis 2001, suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel (2,5 jours par semaine), en qualité de chirurgien-dentiste.
À compter du 18 juin 2001, selon avenant du 5 juin 2001, le salarié a exercé son activité à temps complet. Le 17 novembre 2016, le salarié a été victime d'un accident de trajet, pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie au titre de la législation sur les risques professionnels par décision du 6 décembre 2016.
À son retour d'arrêt de travail, en mars 2017, le salarié a bénéficié d'un temps partiel thérapeutique. En septembre 2017, le salarié a repris son poste à temps complet.
Entre temps, le 12 juillet 2017, le salarié a été victime d'un accident du travail, pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie au titre de la législation sur les risques professionnels, par décision du 3 août 2017. À compter du 5 décembre 2018, le salarié a été placé en arrêt de travail.
Le 27 août 2019, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste, en ces termes : « Tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ».
Le 11 septembre 2019, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Le 26 septembre 2019, le salarié été licencié, aux motifs suivants : « Nous avons le regret de vous faire part de notre décision de mettre un terme au contrat de travail nous liant.
Ce dernier prendra définitivement fin à la date d’envoi du présent courrier.
En effet, par décision en date du 27 août 2019, Madame le Médecin du Travail vous a déclaré inapte à reprendre l’emploi que vous occupiez au sein de notre entreprise.
Nous avons étudié d’éventuelles possibilités de reclassement ou d’aménagement de poste, malheureusement aucune mesure de ce type n’est envisageable, comme nous vous en avons informé, par courrier daté du 6 septembre 2019, dont nous vous rappelons les termes :
« Nous faisons suite à la décision prise par M. le Médecin du Travail le 27 août 2019 qui vous a déclaré inapte à votre poste de travail tout en précisant que « tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ». Compte tenu de ces éléments, il s'avère qu’aucune mesure de reclassement et/ou d'aménagement de poste n’est dès lors envisageable. ».
Dès lors, nous sommes contraints de procéder à votre licenciement en raison de votre inaptitude médicalement constatée et au constat de l’impossibilité de reclassement ou d’aménagement de poste.
Notre cabinet d’avocats spécialisé en droit du travail a saisi la juridiction prud’homale. Nous soutenions notamment que le licenciement était nul, le licenciement étant discriminatoire en lien avec l’état de santé et le handicap du salarié.
Le conseil de prud’hommes a :
- Jugé que la Mutualité Française a violé son obligation de protection de la santé des travailleurs et
- Condamné la Mutualité Française à verser au salarié la somme de :
Notre cabinet d’avocats spécialisé en droit du travail a interjeté appel de ce jugement.
Notre cabinet d’avocats demandait à la Cour notamment :
- confirmer le jugement en ce qu’il a alloué 20.000 euros de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de protection de la santé et 800 euros au titre des frais irrépétibles de première instance sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
- l’infirmer pour le surplus,
- débouter l’intimée de son appel incident, de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- appliquer les principes consacrés par les traités de l’Union, la charte des droits fondamentaux de l’union européenne, la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs et la Charte sociale européenne, interprétés à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l’union européenne, en écartant en application du principe de primauté de la norme européenne tout texte du droit interne et jurisprudence contraires, fut-ce une jurisprudence établie,
- à titre principal, prononcer la nullité du licenciement pour discrimination liée à l’état de santé et au handicap, l’employeur n’apportant pas la preuve d’avoir pris toutes les mesures pour sauver le poste de l’appelant, travailleur handicapé, ni d’avoir aménagé le poste, en violation des préconisations répétées du SAMETH et du médecin du travail, demande recevable en application de l'article 565 du code de procédure civile,
- à titre subsidiaire, prononcer l’absence de cause réelle et sérieuse le licenciement,
- requalifier l’inaptitude non-professionnelle en inaptitude d’origine professionnelle.
Les articles du Code du travail applicables en matière de discrimination :
Selon l'article L.1132-1 du code du travail dans sa version applicable au présent litige, « Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses,
de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français. »
L'article L.1132-4 poursuit que « toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul ».
Selon l'article L.1133-3 du même code, « les différences de traitement fondées sur l'inaptitude constatée par le médecin du travail en raison de l'état de santé ou du handicap ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectives, nécessaires et appropriées. »
L’article L. 1133-4 énonce quant à lui que « Les mesures prises en faveur des
personnes handicapées et visant à favoriser l'égalité de traitement, prévues à l'article L. 5213-6 ne constituent pas une discrimination. »
Ce dernier article énonce :
« Afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, l'employeur prend, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1° à 4° et 9° à 11° de l'article L. 5212-13 d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer ou d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée.
L'employeur s'assure que les logiciels installés sur le poste de travail des personnes handicapées et nécessaires à leur exercice professionnel sont accessibles. Il s'assure également que le poste de travail des personnes handicapées est accessible en télétravail.
Ces mesures sont prises sous réserve que les charges consécutives à leur mise en œuvre ne soient pas disproportionnées, compte tenu de l'aide prévue à l'article L. 5213-10 qui peuvent compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l’employeur.
Le refus de prendre des mesures au sens du premier alinéa peut être constitutif d'une discrimination au sens de l'article L. 1133-3. » En lecture de l'article L.1134-1 dudit code « lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ».
En l'espèce, le salarié estime avoir été victime d'une discrimination lors de son licenciement en raison de son état de santé.
Le 17 novembre 2016, à l'âge de 52 ans, le salarié a été victime d'un accident de trajet.
En lecture du rapport du SAMETH du 16 octobre 2017, s'en est suivi un handicap physique au niveau des épaules.
Par décision du 6 décembre 2016, la caisse primaire d'assurance maladie de Pau a pris en charge cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels.
Le salarié a été placé en arrêt de travail du 17 novembre 2016 au 1er mars 2017.
Peu de temps avant sa reprise, le 2 février 2017, lors d'une rencontre avec le Médecin du travail, ce dernier a précisé dans le dossier médical que le salarié « ne se sent plus capable de travailler au même rythme ; aimerait avoir une assistante qui l'aide au fauteuil », étant relevé qu'il dispose toujours de la même assistante. Il est également indiqué que le salarié doit aller travailler en mars à Lons et qu'à partir de juin il ne travaillera plus le samedi.
La fiche d'aptitude du médecin du travail en date du même jour, transmis à l'employeur, relève : « pas de fiche d'aptitude délivrée : reprendrait son travail en mars en travaillant avec son assistante au fauteuil à 4 mains, en soulageant celle-ci de certaines de ses tâches administratives ».
Dans le cadre d'une visite médicale du 21 mars 2017, le médecin du travail relève, dans le dossier médical du salarié, que ce dernier a repris le 1er mars à temps partiel thérapeutique, à raison de 5h par jour. Il indique que certains gestes le gênaient au début, d'indiquer que « le fauteuil doit être repositionné » et que « son assistante l'aide dans la mesure du possible ». Il est également mentionné que le « groupe de salariés globalement solidaire, mais pb de charge de travail de l'assistante, d'ergonomie des cabinets, de système informatique ».
Le 16 octobre 2017, le SAMETH 64, à la demande de la CARSAT et ce dans des conditions non précisées, est intervenue pour « venir en appui au maintien dans l'emploi du salarié ». Aux termes de son analyse, l'organisme préconise à l’employeur de :
Mettre à disposition des lunettes : loupes spécifiques permettant de limiter l'inclinaison de la tête et du dos et de ce fait, limiter la sollicitation des épaules,
Mettre en place une aide humaine afin de limiter les sollicitations de membres supérieurs du salarié. Cette aide peut être sur tout son temps de travail ou sur des temps partiels. L'idée de réduire son activité physique au niveau des épaules lors de la préparation du matériel et lors de l'intervention auprès du patient.
Ce rapport était assorti d'un plan d'action et proposition d'aide financière.
Le 29 janvier 2018, dans le cadre d'une visite à la demande du salarié, il est relevé par le médecin du travail dans le dossier médical, l'intervention et préconisations du SAMETH, à savoir une aide humaine à temps partiel et des loupes microscopiques.
Ce même jour, le médecin du travail a proposé des mesures individuelles d'aménagement ou de transformation du poste de travail, au sens de l'article L.4624-3 du code du travail, à savoir : « Apte avec aménagement de poste : loupes Exam Vision et aide humaine par assistante dentaire ».
Par mail du 30 mars 2018, le SAMETH indique au salarié avoir relancé l'employeur afin d'obtenir les derniers devis.
Il en est de même par mail du 3 avril 2018, le SAMETH indiquant avoir une nouvelle fois relancé l'employeur la semaine précédente.
Par mail du 26 juin 2018, le SAMETH indique au salarié avoir relancé la RH afin de faire un point sur l'aménagement.
Le 13 septembre 2018, la médecine du travail va relancer par courrier l'employeur, à la demande du SAMETH, pour la prise en charge des préconisations d'aménagement d'ordre technique (attribution d'une loupe type Exam vision) et organisationnel (aide humaine par assistante dentaire).
Le 7 janvier 2019, dans le cadre d'une nouvelle visite à la demande du salarié, Le médecin du travail relève dans le dossier médical du salarié : « aménagement de poste préconisé CAP EMPLOI SAMETH et médecin du travail (loupe+ aide humaine au fauteuil par assistante) non respecté ; l'assistante accaparée par le travail administratif (…) retentissement psychologique de ce manque de prise en compte de son état par son employeur ».
Par un nouveau courrier du 14 janvier 2019, le médecin du travail a relancé l’employeur quant aux aménagements du poste signalant expressément que: « Il semblerait qu'aucune des mesures préconisées n'ait été mise en place à ce jour et cette absence de prise en compte a gravement retenti sur l'état de santé physique et mentale de votre salarié, ce qui m'a été confirmé par son médecin et qui a nécessité une prise en charge thérapeutique et un arrêt de travail ».
Le 19 janvier 2019, le salarié, alors en arrêt, a dénoncé une nouvelle fois ses conditions d'exercice déplorant d'une part l'absence d'aménagement malgré les préconisations du SAMETH et de la médecine du travail et la surcharge de travail lié à une carence de chirurgien-dentiste, conduisant à des dépassements d'horaires constants et à l'origine de son accident du 12 juillet 2017.
Le 27 août 2019, le médecin du travail a déclaré le salarié inapte à son poste, en ces termes : « Tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ».
Convoqué le 23 septembre 2019, le salarié a été licencié pour inaptitude.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que dès le mois d'octobre 2017, l'employeur avait connaissance du handicap de son salarié et des moyens à mettre en œuvre pour aménager le poste. A la date du licenciement pour inaptitude, le 26 septembre 2019, le salarié n'avait ni bénéficié du dispositif de loupe ni d'une aide humaine complémentaire. Il ne ressort pas des pièces du salarié que l'employeur ait pris des mesures particulières, cette situation ayant un impact sur la santé du salarié. |
Au regard de la chronologie rapprochée des faits ayant conduit au licenciement du salarié, la cour a la conviction que les éléments présentés par le salarié, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination en raison de son état de santé.
Dès lors, il appartient à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Malgré le rappel par la médecine du travail de ces préconisations le 29 janvier 2018 ainsi que les différents rappels et échanges entre les différents intervenants, tel que cela ressort des pièces produites tant par le salarié que l'employeur, il apparaît que jamais le salarié n'a bénéficié du matériel préconisé avant son licenciement pour inaptitude le 26 septembre 2019, soit un délai de deux ans suivant les préconisations médicales.
En outre, il apparaît en lecture du courrier de l'employeur du 17 janvier 2019, que ce dernier n'a jamais entendu donner suite à la demande de mise à disposition d'une aide humaine, considérant que le salarié en bénéficiait déjà, malgré les préconisations du SAMETH, de la médecine du travail et les demandes réitérées du salarié et de son assistante habituelle.
L'employeur ne justifie donc pas de raisons objectives, nécessaires et appropriées au retard pris à mettre en place les aménagements de poste nécessaires au handicap du salarié.
Au vu de l'ensemble de ces éléments l'employeur ne démontre pas que sa décision de licencier pour inaptitude est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Il s'ensuit que seul l'état de santé a justifié le licenciement du salarié, lequel se trouve en conséquence nul. En conséquence le Mutualité est condamnée a versée des dommages et intérêts au salarié, a lire dans notre prochaine actualitée |
Vous êtes salarié(e), vous avez été victime d’une situation de harcèlement moral, d'une discrimination, vous avez été licencié(e) pour inaptitude d’origine professionnelle ou non professionnelle, insuffisance professionnelle, motif économique, faute grave, etc…
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