Le licenciement pour insuffisance professionnelle est un mode de rupture du contrat de travail dont les employeurs font parfois un usage abusif pour se séparer de salariés / cadres.
Notre cabinet d’avocats spécialisé en droit du travail défend exclusivement les salariés et cadres licenciés, sous contrat français, travaillant en France ou à l’international.
Nous sollicitons notamment la requalification de leur licenciement pour insuffisance professionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Nous vous présentons dans notre nouveau « tout savoir sur … » le régime particulier de l’insuffisance professionnelle, illustré par une affaire gagnée par notre cabinet.
L’insuffisance professionnelle ne dispose pas de définition légale.
Elle est classiquement entendue comme l’incapacité du salarié à exécuter sa prestation de travail dans des conditions que l’employeur peut légitimement et raisonnablement attendre en application de son contrat de travail.
Elle se caractérise par une mauvaise qualité de travail due par exemple à une incompétence professionnelle ou à une inadaptation à l’emploi.
L’insuffisance professionnelle constitue un motif personnel de licenciement.
Ainsi, la cause de rupture du contrat de travail doit être inhérente à la personne du salarié.
L’article L.1232-1 du Code du travail dispose, en substance, que tout licenciement pour motif personnel doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Pour être une cause réelle de licenciement, l’insuffisance professionnelle alléguée dans la lettre de licenciement du salarié doit être étayée par des faits objectifs et vérifiables justifiant l’appréciation de l’employeur (Cass. soc. 10 octobre 2001 n°99-44.833).
La Cour de cassation confirme dans un arrêt du 20 septembre 2006 (n°04-48.381) que l’insuffisance professionnelle doit être prouvée par des éléments concrets, objectifs, vérifiables et imputables au salarié.
C’est alors à l’employeur qu’il revient de caractériser l’insuffisance professionnelle alléguée.
Dans le cadre d’un contentieux les juges sont amenés à prendre en compte un ensemble d’éléments comme la qualification du salarié, son ancienneté, ses conditions de travail, l’évolution de son emploi et des tâches qui y ont attrait etc.
Pour établir l’insuffisance professionnelle du salarié, l’employeur doit démontrer que les tâches mal exécutées par le salarié relèvent de sa qualification et de ses responsabilités. En effet, un salarié ne saurait se voir reprocher une insuffisance professionnelle alors que les tâches qui lui sont confiées sont étrangères à sa qualification (Cass. soc. 2 février 1999 n°96-44.340).
L’insuffisance professionnelle relève d’une appréciation globale de l’emploi occupé par le salarié, aux fonctions qui lui sont liées et de son parcours professionnel. Elle doit être caractérisée par une approche globale de l’activité du salarié et non sur l’évaluation d’une seule de ses tâches (Cass. soc. 27 mars 2013 n°11-29.001).
De plus, l’employeur qui licencie un cadre ou un salarié pour insuffisance professionnelle doit avoir respecté son obligation d’adaptation du salarié à l’évolution de son poste de travail (art. L.6321-1 Code du travail). Dès lors, il incombe à l’employeur de proposer aux salariés des formations nécessaires, adaptées et conformes aux exigences du poste ainsi qu’à l’évolution légitime de la carrière du salarié
La Cour de cassation a jugé qu’est sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour insuffisance professionnelle d’une salariée qui avait une ancienneté importante, qui n’avait fait l’objet d’aucune observation durant sa carrière et qui avait bénéficié d’une augmentation de salaire (Cass. soc. 21 février 1991, n°89-40.148).
La Cour de cassation a également pu apprécier que la seule production de testes professionnels ne pouvait justifier une insuffisance professionnelle dès lors que le salarié avait exercé son activité de manière satisfaisante depuis 5 ans (Cass. soc. 18 juillet 2000 n°98-44.591).
La Cour de cassation a récemment précisé qu’un salarié ne peut être licencié en raison d’une insuffisance professionnelle lorsqu’une convention collective énumère limitativement les motifs de licenciement valables et que ce motif n’en fait pas partie (Cass. soc. 10 janvier 2024 n°22-19.854).
Le manque de compétence invoqué par l’employeur doit être suffisamment précis, matériellement vérifiable, imputable au salarié uniquement et présenter une certaine gravité. L’insuffisance professionnelle doit être strictement caractérisée et ne doit pas découler d’un manquement de l’employeur qui n’aurait pas adapté le salarié aux évolutions de son emploi. De plus, l’ancienneté du salarié ne doit pas servir le prétexte pour le licencier pour insuffisance professionnelle.
La Cour de cassation affirme que l’insuffisance professionnelle est distincte de l’obligation de résultats. La seule insuffisance de résultats n’est pas en soit une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass. soc. 14 novembre 2000 n°98-42.371).
Les objectifs fixés doivent être réalistes au regard du marché, et des objectifs réalisés par les autres salariés par exemple (Cass. soc. 13 janvier 2004 n°01-45.931).
L’employeur doit avoir mis à disposition du salarié des moyens suffisants (Cass. soc. 18 janvier 2012 n°10-19.569).
En outre, la non réalisation des objectifs doit résulter d’une faute ou d’une insuffisance professionnelle du salarié qui doit elle-même être prouvée.
Le licenciement pour insuffisance professionnelle ne doit pas reposer sur une faute du salarié mais sur son incompétence par exemple.
En effet, un licenciement pour insuffisance professionnelle se distingue d’un licenciement pour faute.
Selon la Cour de cassation, l’insuffisance professionnelle d’un salarié ne peut pas constituer une faute en elle-même (Cass. soc. 25 janvier 2006 n°04-40.310).
Si les manquements du salarié dans l’exécution de ses fonctions relève de sa mauvaise volonté, d’une abstention volontaire ou de négligences délibérées, ils présentent un caractère fautif, dans le cas contraire ils relèvent de l’insuffisance professionnelle (Cass. soc. 31 mars 1998 n°95-45.639 ; 27 novembre 2013 n°11-22.449).
Si les manquements reprochés au salarié ne présentent pas de caractère fautif, la procédure de licenciement disciplinaire n’est pas applicable. Dès lors l’employeur pourrait invoquer des manquements dont il a pris connaissance plus de deux mois avant d’engager la procédure de licenciement.
La Cour de cassation précise que lorsque la lettre de licenciement ne contient pas les termes de faute ou disciplinaire, les juges peuvent tout de même considérer que l’employeur s’est placé sur le terrain disciplinaire par exemple lorsqu’il reproche au salarié d’avoir commis des manquements volontaires (Cass. soc. 24 septembre 2008 n°07-40.230). Ainsi, si l’employeur invoque une insuffisance professionnelle dans la lettre de licenciement alors que les manquements du salarié relèvent d’une faute, par exemple une mauvaise volonté délibérée, le licenciement n’est pas privé de cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 11 mars 2008 n°07-40.162). En revanche, le non-respect du droit disciplinaire pourrait être reproché à l’employeur.
Attention, il a été réaffirmé récemment que l’employeur peut invoquer à la fois une faute et une insuffisance professionnelle dans la lettre de licenciement à la condition que ces motifs reposent sur des faits distincts et que la procédure applicable à chaque motif ait été respectée (Cass. soc. 17 janvier 2024 n°22-19.733).
Notre cabinet d’avocats est intervenu au soutien d’un cadre, possédant plus de 19 ans d’ancienneté, licencié pour insuffisance professionnelle. L’employeur reprochait au salarié « une insuffisance de résultats entre 2017 et 2019 découlant d’une insuffisance professionnelle caractérisée par une incapacité à organiser son activité en autonomie, à vendre des produits stratégiques etc. ».
La Cour d’appel a requalifié la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse. En effet, l’insuffisance professionnelle ne se présume pas.
La Cour a jugé, au visa de l’article L.1232-1 du Code du travail, que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse de licenciement et qu’il appartient dès lors aux juges de vérifier la cause exacte du licenciement.
Elle rappelle que l’insuffisance professionnelle n’est pas une faute disciplinaire et résulte de l’incapacité personnelle du salarié à exécuter le travail que l’employeur est en droit d’attendre de lieu. Elle ne peut constituer une cause réelle et sérieuse que lorsqu’elle repose sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié. De sorte qu’elle ne doit pas être en réalité imputable à l’employeur.
Elle juge finalement que l’employeur ne produit pas la totalité des éléments permettant de caractériser la matérialité de l’insuffisance professionnelle alléguée et ne justifie pas de l’intégralité de l’accompagnement mis en place pour le salarié.
La Cour de cassation juge que l’employeur qui souhaite licencier un salarié en raison de son insuffisance professionnelle doit apporter à l’appui de sa demande des éléments précis et matériellement vérifiables. Il doit ainsi démontrer s’il s’agit d’une insuffisance professionnelle liée à l’absence d’atteinte des résultats exigés que ces objectifs étaient réalisables (Cass. soc. 19 janvier 2012 n°09-69.680 ; Cass. soc. 7 mars 2018 n°16-21.588).
De plus, l’insuffisance professionnelle ne peut pas constituer en soit une cause de licenciement il convient alors de rechercher si les résultats procèdent ou non d’une insuffisance du salarié (Cass. soc. 3 avril 2001 n°98-44.069).
Le poids des circonstances extérieures ne doit pas constituer la cause de l’insuffisance de résultat ex. restructurations permanentes, baisse des effectifs, management toxique, objectifs irréalistes et irréalisables, dysfonctionnements internes structurels, réduction des effectifs en raison de difficultés économiques …
L’employeur doit jouer son rôle d’encadrement, le salarié doit bénéficier du soutien constant de sa hiérarchie et des moyens nécessaires pour mener sa mission à bien (Cass. soc. 26 octobre 2011 n°10-13.963).
Dans la mesure où l’insuffisance ne constitue pas une faute, le licenciement doit respecter la procédure de licenciement pour motif personnel non disciplinaire. Le salarié cadre aura droit aux indemnités légales ou conventionnelles de licenciement et allocations chômages. Dans l’hypothèse d’un licenciement abusif, le salarié aura droit à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (art. L.1235-3).
Notre cabinet d’avocats combat le barème Macron estimant qu’il ne permet pas une juste indemnisation du salarié à la suite de son licenciement abusif, pour en savoir plus n’hésitez pas à consulter notre actualité dédiée : Le barème Macron n’est pas conforme à l’article 24 de la Charte sociale européenne
Le salarié cadre a obtenu la requalification de son licenciement pour insuffisance professionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
A ce titre, la Cour d’Appel lui a alloué plus de 73.000 € de dommages-intérêts, en application de l’article L1235-3 du Code du travail.
Vous êtes salarié(e), vous avez été licencié abusivement en raison d’une (prétendue) insuffisance professionnelle ?
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