Notre cabinet d’avocats spécialisé en droit du travail est intervenu au soutien d’une salariée cadre qui a démissionné à la suite d’une situation de harcèlement moral et d’épuisement professionnel.
La salariée a sollicité la requalification de sa démission en prise d’acte ayant les effets d’un licenciement abusif, ainsi que le règlement de son temps de travail.
Le Conseil de prud’hommes de Bordeaux a débouté la salariée de l’ensemble de ses demandes.
La Cour d’appel de Bordeaux a reconnu, a contrario, que la salariée avait subi des faits de harcèlement moral, en conséquence la démission a été requalifiée en prise d’acte ayant l’effet d’un licenciement nul. A ce titre elle a alloué des dommages-intérêts à la salariée.
La salariée a été embauchée en contrat à durée indéterminée en 2014 par la société Eurofins Bioffice, en qualité de biologise médicale, statut cadre. Elle était soumise à une convention de forfait.
La salariée a adressé de nombreuses alertes à son employeur en expliquant qu’en raison du sous-effectif et de sa surcharge de travail, elle était contrainte d’effectuer de nombreuses heures supplémentaires, ainsi que d’effectue régulièrement des astreintes.
La salariée invoque notamment : une maltraitance managériale, des méthodes de management peu respectueuses des salariés, une absence de paiement des heures supplémentaires, un dépassement des durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail, le non-respect des règles relatives au repos, le non-respect des règles relatives aux astreintes, une surcharge de travail excessive du fait du sous-effectif du service, des alertes répétées adressées à l’employeur par elle-même et sa supérieure hiérarchique restées vaines.
Ses conditions de travail continuant à se dégrader, sa santé en a été altérée. La salariée a démissionné de son poste en mars 2018 compte tenu de ses conditions de travail délétères et de faits de harcèlement moral.
En vertu de l’article L.1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L’article L. 1154-1 prévoit qu’en cas de litige si le salarié doit présenter des éléments de preuve laissant supposer l’existence d’un harcèlement. L’employeur doit quant à lui prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à tout harcèlement.
Au soutien de ses prétentions, la salariée verse des éléments de preuves notamment :
La Cour considère que la salariée présente des éléments de fait qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence de harcèlement.
La société Eurofins Bioffice conteste l’existence d’une telle situation, déniant la surcharge de travail invoquée en l’attribuant à un manque total d’organisation de la salariée.
La Cour relève que face à une situation de surcharge de travail avérée, les réponses apportées par l’employeur, outre qu’elles n’y ont que partiellement remédié témoignent de méthodes de management ne prenant pas suffisamment en compte les difficultés que rencontraient la salariée et sa collègue alors que de l’aveu même de la présidente de la société, cette dernière reconnait que la situation est très compliquée et indique avoir conscience des efforts de la salariée.
En outre, l’attitude de l’employeur tendant à nier les difficultés et à en reporter la responsabilité sur la salariée a eu un impact sur la dégradation de sa santé, comme en témoignent les éléments relevés par le médecin du travail.
La Cour d’appel en déduit qu’au regard de l’ensemble de ces éléments, la société échoue à démontrer que les faits invoqués par la salariée pris dans leur ensemble sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout fait de harcèlement moral.
En conséquence, compte tenu des éléments médicaux produits la salariée obtient 2.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral subi.
En vertu de l’article L.1152-4 du code du travail, l’employeur doit prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
La Cour juge qu’il relève des éléments de preuves versés aux débats que la présidente de la société a été à plusieurs reprises alertée sur la surcharge de travail de la salariée et qu’il n’y a que partiellement remédié.
En conséquence, la salariée a obtenu 1.500 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du non-respect par employeur de son obligation de prévention du harcèlement moral.
La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.
Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entrainer l’annulation de sa démission remet en cause celle-ci en raison de faits ou de manquements imputable à son employeur, il appartient à la Cour d’apprécier s’il résulte des circonstances d’espèce que la démission était équivoque à la date à laquelle elle a été donnée.
Ainsi, même émise sans réserve, une démission est nécessairement équivoque si le salarié parvient à démontrer qu’elle trouve sa cause dans des manquements de l’employeur.
Dans cette hypothèse la démission s’analyse en une prise d’acte de la rupture qui produits les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, notamment si les faits invoqués caractérisent des manquements suffisamment graves de l’employeur empêchant la poursuite de la relation contractuelle.
La Cour relève que la lettre de démission ne comportait aucune réserve mais s’inscrivait dans des demandes réitérées de la salariée quant à sa charge de travail, ou encore des différents échanges par mails et sms versés au débat relatant des conditions de travail délétères de la salariée. Elle en déduit que ces deux éléments démontrent le caractère équivoque de la démission de la salariée.
En conséquence, la démission est requalifiée en prise d’acte.
En outre, la Cour relève que les différents manquements invoqués par la salariée à savoir la surcharge de travail et le harcèlement moral subis ont été considérés comme établis et suffisamment graves pour justifier que la rupture soit requalifiée en licenciement nul.
La rupture du contrat étant requalifiée en licenciement nul, la salariée obtient 6.262,23 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement.
La Cour fonde notamment sa décision sur l’article L.1152-3 du Code du travail selon lequel, en substance, toute rupture de contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles relatifs aux faits de harcèlement moral est nul.
En conséquence, la démission de la salariée s’inscrit directement dans le contexte de surcharge de travail et de harcèlement subis. La rupture étant requalifiée en licenciement nul, la salariée obtient 44.000€ à titre d’indemnité pour licenciement nul.
De surcroît, en application des dispositions de l’article L.1235-4 du Code du travail, la Cour a ordonné le remboursement par l’employeur à Pôle emploi des indemnités de chômage éventuellement versées à la salariée depuis son licenciement dans la limite de trois mois d’indemnités.
Vous êtes salariée, cadre ?
Vous êtes victime de faits de harcèlement et vous envisagez de rompre votre contrat de travail ou avez démissionné ?
Vous êtes soumis à une surcharge de travail ?
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