En détail
Notre client a été engagé en qualité de chef de projet informatique par la société EVIC FRANCE devenue EUROFINS.
Il bénéficiait d’un contrat à durée indéterminée.
Convention de forfait et surcharge de travail
Le salarié était soumis à une convention de forfait sur une base de 218 jours annuels.
Il effectuait de nombreuses heures supplémentaires en sa qualité d’informaticien
Cet informaticien recevait des sollicitations par courriels jusqu’à tard dans la nuit.
Il réalisait de nombreuses interventions et dépannages informatiques.
La Cour d’Appel de Bordeaux a relevé que même si le salarié était cadre et disposait d’une liberté d’organisation dans son travail, l’employeur n’était pas pour autant dispensé de surveiller la durée du temps de travail de son salarié.
En outre, la Cour relève que l’employeur savait pertinemment que son salarié effectuait de nombreuses heures supplémentaires dans la mesure où :
- Il lui était confié une lourde charge de travail, qui englobait non seulement, ses fonctions d’informaticiens tel que défini par sa fiche de poste ;
- mais également des tâches de bricolage de toute nature qui dépassaient les 35 heures hebdomadaires de travail.
De plus, le salarié avait envoyé à plusieurs reprises des courriels pour informer l’employeur qu’il avait travaillé jusqu’à minuit.
De ce fait, l’employeur était mal fondé de venir contester sérieusement qu’il n’avait pas donné d’autorisation tout au moins implicite au salarié de réaliser ses heures supplémentaires.
La Cour a également considéré que le délit de travail dissimulé était constitué ; l’employeur étant parfaitement informé de la situation du salarié.
Le caractère intentionnel de l’omission par l’employeur de ne pas noter les heures de travail sur le bulletin de salaire est établi.
Harcèlement moral : licenciement pour inaptitude
Le salarié a été victime d’une situation de harcèlement moral.
Notre client invoquait notamment :
- Une mise à l’écart de ses collègues, caractérisé par l’interdiction que lui a été faite par son employeur de répondre au téléphone ;
- Une mise à l’écart des réunions auxquelles ils participaient habituellement et par le management dévient de son supérieur hiérarchique ;
- Une charge excessive de travail, nécessitant la réalisation de nombreuses heures supplémentaires et astreintes pour faire face au volume de travail qu’il lui été imposé même pendant ses congés payés ;
- Une attribution de tâches subalternes, dépourvues de lien avec ses fonctions d’informaticien, qui relevait de l’intendance et qui n’entrée ni dans sa fiche de poste, ni dans ses responsabilités « ménage, bricolage ».
- L’impact négatif sur son état de santé de ses conditions de travail dégradées.
Pris dans leur ensemble, ses éléments constituent un harcèlement moral exercé par l’employeur à l’encontre de son salarié, dont l’état de santé s’est progressivement et concomitamment dégradé, tant sur le plan physique que psychologique, comme l’établisse les certificats médicaux.
À la suite de ce harcèlement, l’état de santé du salarié s’est dégradé.
Son médecin traitant l’a arrêté pour un syndrome « état anxio-dépressif réactionnel ».
Le médecin du travail l’a déclaré inapte en indiquant « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ».
À la suite de cet avis d’inaptitude, la société EUROFINS a procédé à son licenciement pour inaptitude.
Au moment de son licenciement, le salarié avait une ancienneté de 11 ans et 10 mois.
EUROFINS condamné à 2 reprises
Par le Conseil de prud’hommes de Bordeaux
En première instance, EUROFINS a été condamné à :
- 20.000 € de rappels d’heures supplémentaires et congés y afférents ;
- 1.000 € d’article 700 ;
- Et débouté notre client de ses autres demandes.
Notre cabinet d'avocats a fait appel de cette décision pour le compte du salarié.
Par la Cour d’Appel
La Cour d’Appel de Bordeaux, a confirmé le jugement du Conseil de prud’hommes. Au surplus, la Cour a requalifié le licenciement pour inaptitude en licenciement nul, en raison du harcèlement moral.
En effet, à la suite des agissements de harcèlement moral pratiqué par l’employeur sur le salarié, la Cour d’Appel a considéré que le licenciement était nul en vertu de l’article 1152-3 du Code du travail « Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L.1152-1 et L.1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul ».
Il n’est pas nécessaire que le harcèlement moral soit la cause exclusive de l’inaptitude du salarié, il suffit que soit retenu l’existence d’un lien entre le harcèlement et l’inaptitude du salarié.
Cela étant, si l’avis du médecin du travail repose sur l’inaptitude non professionnelle, il n’en demeure pas moins que les faits de harcèlement moral qui sont caractérisés ont contribués, au moins partiellement, à la dégradation de l’état de santé du salarié, en raison du stress permanent qu’ils ont généré chez lui.
Ces faits ont conduit le médecin du travail, tout en prononçant, une inaptitude non professionnelle, à indiquer « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ».
Au total, la société EUROFINS est condamnée à verser plus de 103.000 € au salarié à la suite de ce harcèlement moral qui a entrainé la nullité de son licenciement.
Au titre du licenciement nul
- 39.605,02 € de dommages-intérêts pour licenciement nul.
Au titre du harcèlement moral
- 8.000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral
Au titre du travail dissimulé
- Indemnité forfaitaire spéciale : 24.403,35 €
Au titre des heures supplémentaires
- 18.214,13 € de rappel d’heures supplémentaires, outre 1.821,41 € de congés payés afférents
- 500 € de dommages-intérêts pour violation de la durée maximale de travail de 48 heures hebdomadaires ;
- 500 € de dommages-intérêts pour violation de la durée maximale journalière de 10 heures de travail ;
- 500 € de dommages-intérêts pour violation de la durée minimale de repos de onze heures consécutives ;
- 500 € de dommages-intérêts pour violation de la durée minimale hebdomadaire de repos de vingt-quatre heures consécutives ;
- 967,76 € de rappel de congés non pris du fait de l’employeur.
Au titre des astreintes
- 3.380,98 € de rappel d’astreintes, outre 338,09€ de congés afférents.
- 3.000 € cumulés (1.000 alloués par le CPH + 2.000 alloués par la Cour) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Le juge a également condamné EUROFINS aux intérêts légaux et la capitalisation.
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