PARTIE 2 : Un cadre au forfait obtient plus de 50.000 € d'heures supplémentaires et accessoires de salaire

Notre cabinet d’avocats spécialisé en droit du travail intervient régulièrement au soutien des intérêts des salariés, notamment sur la question du temps de travail.

Il est en effet fréquent que les salariés cadres soient soumis à une convention de forfait, toutefois l’employeur est tenu de respecter les stipulations des accords collectifs destinés à assurer la protection de la santé de la sécurité des salariés soumis au forfait jour.

 La Cour d’appel de PAU a invalidé la convention de forfait.

A ce titre le salarié a obtenu le règlement de ses heures supplémentaires.

Quelle est la durée de travail du cadre?

Le salarié demande qu'il soit reconnu qu'il n'a pas conclu de convention individuelle de forfait précise. Subsidiairement, il sollicite la nullité et l'inopposabilité de la convention. Il demande, dans ce cadre, aux termes du dispositif de ses écritures, que les pièces adverses 11 et 12 lui soient déclarées inopposables.

La société Varel Europe ne répond pas à cette demande dans le corps de ses écritures.

Concernant la pièce 11, intitulée « note sur la récupération des heures travaillées par le personnel cadre », aucun élément ne permet d'établir qu'elle a été portée à la connaissance du salarié au cours de la relation contractuelle.

Concernant la pièce 12, intitulée « édition des badgeages du 1er février 2017 au 04 décembre 2020 », la société Varel Europe n'apporte aucun élément sur la déclaration préalable de cet outil auprès de la CNIL, alors qu'il constitue un système de traitement automatisé de données personnelles devant faire l'objet d'une telle formalité.

Le non-respect de cette seule formalité préalable rend ledit système inopposable au salarié. Il convient donc de déclarer les pièces 11 et 12 produites par la société Varel Europe inopposables au salarié. Sur le fond, une convention de forfait annualisé en jours permet d'apprécier la durée du travail d'un salarié sur la base d'un nombre de jours travaillés annuellement.

La convention de forfait du cadre au forfait est-elle valable?

En vertu de l'article L.3121-58 du code du travail peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l'année d'une part, les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés et, d'autre part, les salariés (cadres ou non cadres) dont la durée du temps de travail ne peut pas être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées.

La conclusion d'une convention individuelle de forfait nécessite ainsi l'accord du salarié et la convention doit être établie par écrit. Elle nécessite également un accord collectif préalable prévoyant notamment des dispositions protectrices de la santé et de la sécurité des salariés.

En l'espèce, la relation de travail entre le salarié et la société Varel Europe était régie par la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie. Un accord national sur l'organisation du travail dans la métallurgie a été signé le 28 juillet 1998.

Dans son article 14, il définit précisément le forfait en jours, ce qu'il recouvre et ce qu'il implique en termes de suivi par l'employeur de la charge de travail du salarié.

Cet accord national a été suivi d'un accord d'entreprise intervenu le 21 mars 2000 qui prévoit également la possibilité d'un décompte du temps de travail en jours pour les commerciaux et assimilés ainsi que pour l'ingénierie.

Le salarié était déjà salarié de l'entreprise Crystal Profor lors de la signature de cet accord.

Le contrat signé le 1er juin 2005 entre le salarié et la SAS Varel Europe qui a succédé à Crystal Profor, prévoit expressément dans son article 5 : « conformément à la convention collective applicable, et eu égard au degré de responsabilité et à l'autonomie dont dispose le salarié, il est reconnu que ce dernier a la qualité de cadre autonome au sens de l'article L.212-15-3 du code du travail [dans sa rédaction alors en vigueur].

Conformément à la convention collective applicable, et compte tenu de l'impossibilité de déterminer sa durée du travail, le salarié bénéficie d'un forfait en jours sur l'année de 218 jours travaillés ».

Aucun texte en vigueur au moment de la signature de cette clause ne prévoyait que la convention de forfait en jours apparût sur un écrit distinct et comportât des mentions précises.

L'article 14.2 de l'accord du 28 juillet 1998 dispose en particulier que « le contrat de travail définit les caractéristiques de la fonction qui justifient l'autonomie dont dispose le salarié pour l'exécution de cette fonction. Le contrat de travail détermine le nombre de jours sur la base duquel le forfait est défini ».

Dans le cas présent, la convention de forfait est très claire en ce sens que le salarié savait que, compte tenu de l'autonomie et des responsabilités dont il disposait, il était soumis à une durée de travail de 218 jours sur l'année, soit la durée maximale prévue par la loi, et que, au regard des accords collectifs, qu'ils soient nationaux ou d'entreprise, sa durée de travail devait faire l'objet d'un contrôle et d'un suivi par son employeur.

Il doit donc être considéré que le contrat de travail prévoyait bien une convention de forfait en jours et que celle-ci n'encourt aucune nullité, puisqu'aucun vice n'affecte sa validité au moment de sa conclusion.

Le salarié cadre obtient  l'invalidation de sa convention de forfait

La SAS VAREL EUROPE n’apporte pas la preuve qu’il a respecté les stipulations de l’accord collectif 

En revanche, il est constant qu'il incombe à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a respecté les stipulations de l'accord collectif destinées à assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés soumis au régime du forfait en jours.

À défaut, il en résulte un manquement de l'employeur à ses obligations légales et conventionnelles pour s'assurer, de façon effective et concrète, du temps de travail effectué par le salarié, de sorte que la convention de forfait en jours du salarié est privée d'effet. Celui-ci est dès lors fondé à solliciter le paiement d'heures supplémentaires effectuées et non rémunérées.

En l'espèce, l'article 14.2 de l'accord du 28 juillet 1998 prévoit que « le forfait en jours s'accompagne d'un contrôle du nombre de jours travaillés. Afin de décompter le nombre de journées ou de demi-journées travaillées, ainsi que celui des journées ou demi-journées de repos prises, l'employeur est tenu d'établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail auxquels le salarié n'a pas renoncé dans le cadre de l'avenant à son contrat de travail visé au 2e alinéa ci-dessus. Ce document peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l'employeur.

Le supérieur hiérarchique du salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours assure le suivi régulier de l'organisation du travail de l'intéressé et de sa charge de travail.

En outre, le salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours bénéficie, chaque année, d'un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées l'organisation et la charge de travail de l'intéressé et l'amplitude de ses journées d'activité. 

Cette amplitude et cette charge de travail devront rester raisonnables et assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail des intéressés. À cet effet, l'employeur affichera dans l'entreprise le début et la fin de la période quotidienne du temps de repos minimal obligatoire visé à l'alinéa 7 ci-dessus. Un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir d'autres modalités pour assurer le respect de cette obligation ».

La SAS VAREL EUROPE ne produit aucun compte rendu d’entretien annuel portant sur la charge de travail du cadre

La SAS Varel Europe ne produit aucun compte-rendu d'entretien annuel portant sur la charge de travail et l'amplitude des journées d'activité du salarié.

En effet, les entretiens annuels produits sont ceux qu'a effectués le salarié lui-même vis-à-vis de son subordonné M. E, dont le contrat de travail a été rompu dans les mêmes conditions que l'appelant et qui a saisi la juridiction prud'homale d'une contestation de son licenciement, procédure également pendante devant la présente cour.

VAREL EUROPE succombe donc dans la preuve qui lui incombait de démontrer qu'elle avait respecté les stipulations de l'accord collectif destinées à assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés soumis au régime du forfait en jours. Il en résulte donc un manquement de sa part à ses obligations légales et conventionnelles pour s'assurer, de façon effective et concrète, du temps de travail effectué par le salarié, de sorte que la convention de forfait en jours du salarié doit lui être déclarée inopposable, c'est-à-dire privée d'effet à son égard.

La convention de forfait jour est privée d’effet

La convention de forfait en jours étant privée d'effet, le salarié est bien fondé à solliciter le paiement des heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale du travail, soit au-delà de 35 heures hebdomadaires.

Il résulte, en la matière, des dispositions de l’article L.3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, le salarié produit un tableau comportant les horaires de travail détaillés qu'il affirme avoir effectués du 17 avril 2017 jusqu'à la rupture du contrat de travail.

Le salarié verse également des rapports journaliers d'activité correspondant à des jours fériés, des jours de fins de semaine ou des jours de congés, ainsi qu'un décompte du nombre de week-ends travaillés.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre. L’employeur n'apporte aucune pièce opposable au salarié pour contrer les horaires qu'il a déclarés.

À la lecture des éléments du dossier, la cour a acquis la conviction que le salarié a effectué des heures supplémentaires non rémunérées et non récupérées au cours de la période d'avril 2017 à novembre 2019, mais dans une mesure moindre que celle revendiquée, la convention de forfait en jours ayant nécessairement donné lieu à des jours d'ARTT dont le salarié a bénéficié.

En conséquence, la société Varel Europe est condamné à verser au salarié 45.000 € à titre de rappel de salaire.

Le quantum des heures supplémentaires est estimé à environ 600 sur la période concernée, outre 4.500 € pour les congés payés y afférents.

Par ailleurs, l'examen des pièces versées aux débats permet de considérer que le salarié, au moins pour l'année 2018, a dépassé le contingent annuel d'heures supplémentaires, de sorte qu'il est bien fondé à obtenir une somme que la cour évalue à 5000 euros à titre de contrepartie en repos obligatoire, outre 500 euros pour les congés payés y afférents. 

Le cadre au forfait obtient le règlement de ses heures supplémentaires

La Cour d’Appel :

  • DÉCLARE recevable l'appel interjeté par le salarié ;

  • DÉCLARE irrecevable comme étant nouvelle la demande au titre du rappel d'heures d'astreinte ;

  • INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Tarbes en date du 24 septembre 2021, sauf en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes au titre du travail dissimulé, de la violation des durées maximales de travail et minimales de repos, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents, ainsi que de l'exécution déloyale du contrat de travail :

  • Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant ;

  • DÉCLARE les pièces 11 et 12 produites par la société Varel Europe inopposables au salarié ;

  • DÉCLARE la convention de forfait en jours inopposable et donc privée ;

  • DÉCLARE la convention de forfait en jours inopposable et donc privée d'effet à l'égard du salarié ;

  • DIT que le licenciement économique du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

  • CONDAMNE la société Varel Europe à payer au salarié les sommes de :
    • 45 000 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires, outre 4 500 euros pour les congés payés y afférents,
    • 5 000 euros à titre de contrepartie en repos obligatoire, outre 500 euros pour les congés payés y afférents,
    • 155 760 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de formation professionnelle ;

  • DÉBOUTE le salarié de ses demandes d'indemnités de départ volontaire et d'aide à la création d’entreprise ;

  • DIT que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal comme suit :
    • à compter du 29 septembre 2020 pour les créances de nature salariale,
    • à compter de la présente décision pour les créances de nature indemnitaire,

  • ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil ;

  • CONDAMNE la société Varel Europe à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées au salarié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de quatre mois d'indemnités ;

  • CONDAMNE la société Varel Europe aux entiers dépens d'instance ;

  • CONDAMNE la société Varel Europe à payer au salarié la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vous êtes salarié, vous êtes soumis à une convention de forfait, n’hésitez pas à contacter notre cabinet d’avocats spécialisé en Droit du travail coté salariés pour plus d’informations.

Pour en savoir plus nous vous invitons à lire nos actualités et nos affaires gagnées

Vous pouvez également consulter les témoignages de nos clients.

Contactez nous

Partie 1 : VAREL EUROPE condamnée à verser plus de 155.760 € à la suite d’un licenciement économique requalifie en licenciement sans cause réelle et sérieuse

Retour

Côté salariés depuis
plus de ans
Taux de réussite
du cabinet %
Implication
des équipes à %
Nos domaines d'intervention en droit du travail
Nous envoyer un message
Veuillez préciser votre demande
Ce champ est invalide
Ce champ est invalide
Ce champ est invalide
Ce champ est invalide
Ce champ est invalide
Ce champ est invalide