Cass soc 30 septembre 2020 numéro 19-10.352
Le salarié qui justifie d’une exposition à l’amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité. Les salariés d’un sous-traitant, qui ont travaillé dans un établissement qui n’appartient pas à leur employeur et y ont été exposés aux poussières d’amiante, peuvent donc se retourner contre leur employeur pour demander réparation de leur préjudice d’anxiété résultant du manquement à l’obligation de sécurité.
L’arrêt rendu par la Cour de cassation opère un revirement au regard de l’évolution récente de la jurisprudence.
Le point de départ de l’évolution est l’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 modifiée qui a créé un régime particulier de préretraite permettant notamment aux salariés ou anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l’amiante figurant sur une liste établie par arrêté ministériel de percevoir, sous certaines conditions, une allocation de cessation anticipée d’activité (Acaata), sous réserve qu’ils cessent toute activité professionnelle.
La Cour de cassation, par un arrêt du 11 mai 2010 (Cass. soc., 11 mai 2010, n° 09-42.241), a reconnu aux salariés ayant travaillé dans un de ces établissements, figurant sur une liste établie par arrêté ministériel, le droit d’obtenir réparation d’un préjudice spécifique d’anxiété tenant à l’inquiétude permanente générée par le risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante. Ce faisant, la Chambre sociale a considérablement simplifié la preuve du préjudice, les salariés étant dispensés de justifier à la fois de leur exposition à l’amiante, de la faute de l’employeur et de leur préjudice, tout en précisant que l’indemnisation accordée au titre du préjudice d’anxiété réparait l’ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d’existence.
Cependant, à partir de 2014, et face à l’augmentation du contentieux, la Cour de cassation a restreint le périmètre des salariés pouvant prétendre obtenir réparation de ce préjudice. (Cass. soc., 3 mars 2015, n° 13-26.175 ; Cass. soc., 25 mars 2015, n° 13-21.716).
En 2019, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a reconnu la possibilité pour un salarié justifiant d’une exposition à l’amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, d’agir contre son employeur, sur le fondement du droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, quand bien même il n’aurait pas travaillé dans l’un des établissements listés (Cass. Ass. plén., 5 avr. 2019, n° 18-17.442).
Le mouvement jurisprudentiel de limitation de la recevabilité de l’action s’est donc inversé pour ouvrir plus largement une indemnisation aux salariés.
L’arrêt rendu le 30 septembre 2020 s’inscrit dans ce mouvement et constitue un revirement de jurisprudence.
La jurisprudence, fixée par deux arrêts, était très claire : le salarié, qui avait été affecté par son employeur dans une autre entreprise exploitant un établissement mentionné par le texte précité, ne pouvait prétendre à l'indemnisation de ce préjudice (Cass. soc., 22 juin 2016, n° 14-28.175 ; Cass. soc., 11 janv. 2017, n° 15-50.080 ).
La solution était justifiée au regard des deux conditions cumulatives exigées pour cette action en réparation. Elle ne l’est plus depuis l’arrêt rendu par l’Assemblée plénière.
Dans son arrêt du 30 septembre 2020, la Cour de cassation opère un revirement : « il y a lieu d’admettre que le salarié qui justifie d’une exposition à l’amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même cet employeur n’entrerait pas dans les prévisions de l’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 modifiée ».
Les salariés du sous-traitant, qui ont travaillé dans un établissement qui n’appartient pas à leur employeur et y ont été exposés aux poussières d’amiante, sont en droit d’agir contre leur employeur pour demander réparation de leur préjudice d’anxiété. Celui-ci est la suite d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
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