Notre cabinet d’avocat a représenté un salarié cadre qui avait effectué de très nombreuses heures supplémentaires.
Le Conseil de Prud’hommes de Toulouse avait fait droit aux demandes du salarié. La Cour d’Appel a confirmé que les demandes du salarié au titre du temps de travail à savoir le règlement de ses heures supplémentaires, le paiement des repos compensateurs.
Au surplus, la Cour d’Appel de Toulouse a condamné l’employeur sur la violation des durées maximales et minimales de repos quotidiens et hebdomadaires.
Il est rappelé que la conclusion d’une convention de forfait jours est subordonnée à deux conditions :
Peuvent conclure une convention individuelle de forfait en jours sur l’année, dans la limite du nombre de jours fixé en application du 3° du I de l’article L.3121-64 :
1° Les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés ;
2° Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, en application de l’article L.3121-64 du code du travail, l’accord collectif relatif au forfait en jours doit impérativement fixer les modalités selon lesquelles :
Mais en l’absence de telles dispositions conventionnelles en vigueur à cette date, l’employeur peut combler unilatéralement leurs lacunes en faisant application des dispositions de l’article L.3121-65 du code du travail, consistant à :
En l’espèce, les parties ont conclu une convention de forfait annuel en jours le 18 janvier 2001.
Il existait à cette date un accord d’entreprise du 15 décembre 2000 sur la réduction du temps de travail, prévoyant la possibilité de conclure un forfait jours pour les cadres de l’entreprise ; la convention individuelle comporte cet accord en annexe, et il n’est pas discuté que le salarié entrait dans la catégorie des salariés pouvant être soumis au forfait jour.
Le salarié ne discute pas davantage la teneur de l’accord collectif, en revanche il soutient que la convention de forfait est à la fois nulle et inopposable car :
La convention de forfait ayant été conclue avant l’entrée en vigueur de la loi du 8 août 2016, l’absence de précisions sur les modalités prévues à l’article L.3121-64 du code du travail (qui concernent d’ailleurs l’accord collectif) n’entraîne pas la nullité de la convention de forfait ; en revanche elle peut conduire à son inopposabilité si l’employeur ne justifie pas avoir organisé d’entretien annuel sur la charge de travail et l’articulation entre vie privée et vie professionnelle, ni avoir assuré de suivi des journées et demies journées travaillées.
Tel est bien le cas en l’espèce, et l’absence de doléances du salarié, l’organisation d’entretiens individuels non spécifiques à la charge de travail, tout comme l’existence de formulaires à remplir par le salarié pour poser ses jours de congés, ne sauraient suppléer la carence de mesures spécifiques que l’employeur devait mettre en œuvre conformément aux dispositions de l’article L.3121-65 du code du travail.
Par conséquent, la convention de forfait n’est pas nulle comme l’ont retenu les premiers juges, mais inopposable au salarié.
Celui-ci relève donc du droit commun du temps de travail, et est fondé à invoquer l’application à son profit du régime légal des heures supplémentaires.
Aux termes de l’article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si la preuve des horaires de travail effectués n’incombe ainsi spécialement à aucune des parties, et si l’employeur doit être en mesure de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir effectuées afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
En l’espèce, le salarié cadre soutient qu’il effectuait de très nombreuses heures supplémentaires, il explique que ses semaines de travail se décomposaient en 1 à 2 jours de télétravail avec des horaires de 8h à 19 ou 20h et une coupure de 35 à 40mn, des journées terrain avec déplacements sur toute la France en avion ou en voiture, et retour au domicile entre 21h et 23h, des journées de réunion avec la direction 1 ou 2 fois par mois à [Localité 7], des réunions de 8h30 à 20h, et la présence sur des salons professionnels comme le salon ISH à [Localité 5] du 13 au 16 mars 2017 avec des amplitudes de travail extrêmement importantes.
Il produit, au soutien de sa demande, les éléments suivants :
La cour estime que ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre par ses propres éléments.
Or en l’espèce, la société Villeroy & Boch ne verse aux débats aucun élément de nature à permettre la comptabilisation du temps de travail du salarié et se contente de critiquer les éléments produits par celui-ci.
Elle fait valoir que le salarié confond amplitude et temps de travail effectif, or il déduit les pauses de son décompte ; elle soutient ne pas avoir autorisé le salarié à travailler le samedi ou le dimanche, or il justifie avoir traité des mails le dimanche 12 mars 2017 car il partait en déplacement à [Localité 5] le lundi 13 mars 2017, et il précise qu’il recevait 250 à 300 mails par semaine à traiter. Enfin, elle prétend que le décompte du salarié inclurait des temps de trajet qui seraient nécessairement à déduire, mais n’en précise ni les dates ni le quantum, pas plus que la contrepartie due à ces éventuels temps de trajet ; au demeurant s’agissant des réunions à [Localité 7] la cour relève que le salarié mentionne dans son décompte son arrivée à 8h ou 8h30 au siège parisien sans inclure le trajet aller en avion.
Ainsi, l’employeur ne remplit pas la charge probatoire qui est la sienne, de sorte que le jugement entrepris sera confirmé sur le principe en ce qu’il a fait droit à la demande de rappel d’heures supplémentaires présentée par le salarié.
Sur le quantum en revanche, la société Villeroy & Boch demande que soient déduits de ces sommes les 11 jours de RTT dont aurait bénéficié le salarié. Celui-ci conteste en avoir pleinement bénéficié au regard de sa charge de travail, mais la société Villeroy & Boch justifie effectivement de la prise par le salarié de 11 jours de RTT entre le 4 mai 2016 et le 28 décembre 2016, en sus de ses 25 jours de congés payés, par un relevé informatique non critiqué par le salarié, et dont les mentions sont conformes à celles apposés sur les bulletins de paie (jours de RTT supplémentaires mentionnés 'JS’ en face des dates d’absences).
Ainsi, il y a lieu de déduire la somme de 4886,07 € au titre des jours de RTT, des sommes allouées au salarié au titre des heures supplémentaires à hauteur de 58 446,80 € bruts, outre 5 844,68 € bruts au titre des congés payés y afférents.
Ainsi, la société Villeroy et Boch reste redevable de la somme de 53 560,73 € bruts au titre des heures supplémentaires, outre 5356,07 € bruts au titre des congés payés y afférents. Le jugement sera infirmé en ce sens.
Le salarié qui n’a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur en temps utile, a droit à l’indemnisation du préjudice subi ; celle-ci comporte à la fois le montant de l’indemnité de repos compensateur et le montant de l’indemnité de congés payés afférents.
En l’espèce, le salarié justifie avoir accompli 613 heures supplémentaires en 2016, dont 393 au-delà du contingent annuel de 220h.
L’entreprise occupant plus de 20 salariés, la contrepartie en repos est égale à 100% des heures dépassant le contingent, ce qui correspond à la somme de 20573,55 € bruts, outre 2057,35 € bruts au titre des congés payés y afférents.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Villeroy et Boch à payer ces sommes au salarié.
Il résulte des articles L3121-18, L.3131-1 et L3132-2 du code du travail que, sauf autorisation particulière de l’inspection du travail ou travaux urgents déterminés par décret, la durée de travail effectif quotidienne ne peut excéder 10 heures, les salariés doivent disposer d’une durée minimale de repos de 11 heures consécutives et d’un repos hebdomadaire d’une durée minimale de 24 heures consécutives.
En l’espèce, le salarié justifie au vu du décompte produit avoir régulièrement travaillé plus de 48 h par semaine, plus de 10 heures par jour et n’avoir pas bénéficié des temps de repos minimaux.
Il en résulte un préjudice pour le salarié privé durablement de son droit à repos et de temps pouvant être consacré à ses occupations personnelles et familiales jusqu’à son arrêt de travail pour surmenage ainsi qu’il le dénonçait par mail adressé à l’employeur le 10 avril 2017 ; ce préjudice a été justement réparé par le conseil de prud’hommes ayant alloué au salarié la somme de 5000 € à titre de dommages-intérêts ; le jugement sera en conséquence confirmé sur ce point.
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Villeroy et Boch aux dépens, et à payer au salarié les sommes suivantes :
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes :
L’infirme sur le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés, et, y ajoutant,
Dit que la convention de forfait jours est inopposable au salarié,
Dit que l’inaptitude du salarié est d’origine professionnelle,
Dit que le licenciement du salarié est dénué de cause réelle et sérieuse,
Condamne la société Villeroy et Boch à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois d’indemnités,
Dit que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société Villeroy et Boch de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes soit le 04 juillet 2019, et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt,
Autorise la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil, à compter de la demande soit le 3 juin 2019.
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